Témoignage d'Aurélie

La Trisomie 21 c’est pas grave, c’est juste différent !

« Accueillir notre petite fille de façon « ordinaire », sans appréhension, sans préjugés »

A la naissance d’Apolline nous n’avons rien vu ! Nous avons su plus tard qu’une des sages-femmes avait aperçu ses petits yeux bridés c’était bien car cela nous a permis d’accueillir notre petite fille de façon « ordinaire », sans appréhension, sans préjugés. Puis quelques heures après la naissance on est venu chercher Apolline et là on nous a dit qu’il fallait faire des tests parce qu’ils suspectaient une trisomie.  Le personnel de la polyclinique a été vraiment impeccable, accueillant et bienveillant. D’ailleurs je leur ai envoyé une lettre pour les remercier pour leur patience, leur écoute et leur disponibilité.
Comme les résultats des tests prenaient 3 à 4 jours, nous avons cheminé paisiblement. La clinique nous a autorisés à dormir dans la chambre d’Apolline pendant une semaine, les 3 lits alignés c’était vraiment chouette. C’est à partir de là qu’on s’est soudés, qu’on a vraiment formé une famille.  L’espace de parole entre nous et les soignants a été formidable, ils nous ont chouchoutés. Alors, oui, c’est vrai, tout s’écroule lors de l’annonce. Mais je me suis dit « je ne peux pas me permettre de pleurer devant elle, elle est là, devant nous, elle n’y est pour rien ! » Pendant les 4 jours d’attente du résultat des tests, on a cheminé, on a pris beaucoup de temps pour discuter, en couple, avec la famille, les fondations se sont mis en place là.  Notre fille allait partir avec un handicap, oui mais qui peut savoir à l’avance ce que va devenir son enfant ?
Avec nos parents ça s’est très bien passé, ils ont bien accueilli notre bébé. Ils étaient chargés de transmettre la nouvelle avec des mots clairs sur le handicap et non pas « un petit problème ». On a voulu vivre ces 4 premiers jours dans notre cocon, sans personne autour. Puis on a décidé d’ouvrir aux visites pour qu’Apolline soit accueillie par tous.

« Tout est à construire »

Au retour de la maternité c’était une enfant plutôt facile, elle n’avait aucun souci médical particulier, cela nous a rassuré. La trisomie 21 ce n’est pas grave, sa vie n’est pas en danger, c’est juste différent il y a plein de choses chouettes à vivre. Ça nous oblige à déplacer le curseur, à ne plus avoir les mêmes valeurs. On n’est pas dans la performance. On part d’une base et tout est à construire ! Notre projet pour nos filles est le même pour les deux: qu’elles trouvent leur voie qu’elles soient épanouie et autonomes.
La généticienne a été vraiment super. Elle nous a expliqué que tous les jours elle fait des diagnostics pour des choses très graves, invalidantes, des états de régression. Elle nous a dit qu’avec la T21 il était important de développer les bagages, que c’était à nous de faire le boulot « il faut y aller, les portes sont ouvertes !!! » Nous avons découvert que cela ne tient qu’à nous de faire progresser Apolline, ça nous donne une sacrée responsabilité !
Quand on rencontre des gens aussi bienveillants on garde les paroles comme celles-là toute notre vie.

« Il faut s’entourer de gens bienveillants. »

Dans le passé, j’avais travaillé avec des jeunes adultes T21. Ce qui m’avait marqué à l’époque, c’était un jeune adulte, maintenu en classe de 3ème jusqu’à l’âge de 19 ans et Il arrivait à l’IME, parachuté là, sans y être préparé.  Ce jeune, a grandi avec le statut de « petit clown » de la classe mais personne n’a jamais eu aucune exigence éducative. Il a alors développé des troubles et est devenu violent…. J’ai été marquée par cette situation. Alors aujourd’hui, pour Apolline, on se dit « le milieu ordinaire », oui, mais pas à tout prix ! » A partir du moment où l’école n’aura plus de sens pour elle, qu’elle ne progressera plus ou qu’elle ne se sentira plus bien,  nous choisirons le milieu protégé.
Apolline est en grande section de maternelle, elle va continuer dans cette classe en septembre. L’année dernière, nous trouvions qu’au niveau du langage, cela ne progressait pas. A partir de là, nous nous sommes dits que nous ne pouvions pas nous contenter uniquement de ce qu’on nous donne, il faut que l’on soit plus « pro-actifs ». C’est à partir de là que j’ai commencé à me pencher sur des thérapies alternatives et que nous nous sommes lancés dans la Thérapie Tomatis. C’est de la neuro-psychologie, une thérapie par le son qui permet de stimuler le cerveau et crée de nouvelles connexions neuronales. Cela agit non seulement sur les capacités linguistiques mais améliore aussi les capacités motrices, mentales, sociales. Pour nous, cela a été une vraie découverte !  Cela fait maintenant 1 an que l’on y va une semaine pendant chaque vacance scolaire  Dès la 1ère séance d’écoute, j’ai constaté un progrès moteur : Apolline pour la 1ère fois a monté les escaliers en alternance et non une marche à la fois ! A chaque fois, les progrès sont nets et visibles.
Son temps de latence s’est réduit, maintenant elle est plus réactive, plus éveillée. Ses blocages se sont apaisés. Cette thérapie représente un budget important pour nous  mais vu les progrès, pour nous c’est une de nos priorités,  pendant les séjours nous échangeons aussi  avec beaucoup d’autres parents.

 « Mettre du lien entre les professionnels pour leur permettre de faire équipe »

J’ai passé beaucoup de temps pour faire en sorte que chaque intervenant  qui accompagne  Apolline : l’institutrice, l’AVS la psychomotricienne, l’orthophoniste et l’éducatrice du SESSAD puisse communiquer avec les autres. Du coup, Elles forment vraiment une équipe, Apolline utilise du matériel qui circule entre elles et cela fait sens. C’est bénéfique pour Apolline et les professionnelles voient les fruits de leur travail. De même, dès sa 1ère rentrée scolaire, lors d’une réunion avec les autres parents j’ai ouvert le dialogue en expliquant la Trisomie d’Apolline et les particularités que cela pouvait poser. Les parents savent qu’ils peuvent en discuter avec nous si eux ou leurs enfants se posent des questions. Ça a permis des échanges très riches ! Chez la nounou Apolline a été accueillie tout simplement comme elle, sans préjugés et un lien fort s’est tissé avec Alixe, sa grande copine
Prendre les devants, ne pas rester isolés, former une équipe et construire un environnement bienveillant, pour moi, c’est la clé. J’ai vécu des moments très difficiles avec une ORL sans aucun tact professionnel, elle a été vraiment brusque avec Apolline, j’ai su depuis que ce n’était pas ma fille ni moi qui étions en cause, elle est comme ça avec d’autres, et pourtant c’est une référence dans son domaine… Je préfère ne plus aller la voir…
Pour mon autre fille, Inès, la prise de conscience se fait progressivement. Le handicap mental n’est pas facile à expliquer, c’est moins concret que pour un handicap physique. Inès se montre à la fois un peu protectrice envers sa sœur mais aussi parfois très autoritaire. Elle ne s’autorise pas à la dépasser, alors elle la pousse pour qu’elle progresse ! Pour nous, c’est important qu’Apolline puisse avoir des frères et sœurs, et puis, c’était notre projet !

« Je sais aussi que ma foi m’a beaucoup aidée pour cheminer »

Je sais aussi que ma foi m’a beaucoup aidée pour cheminer depuis la naissance d’Apolline. Je suis issue des mouvements catholiques ouvriers (Action Catholique Ouvrière) où l’on part du principe que notre foi se vit chaque  jour, dans le quotidien. Nous organisons régulièrement des rencontres. On y met en lien notre foi avec ce que l’on vit. C’est vraiment un lieu ressource où j’ai pu partager avec d’autres ce que je traversais, cela me fait prendre du recul par rapport à ce que je vis et y mettre du sens, des valeurs, nous qui sommes si souvent pris dans le « faire ».

(Propos recueillis par Ghislaine en Juin 2017) – Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur ©rien qu’un chromosome en +