Témoignage de Patricia et Christophe

La famille de Patricia, co-fondatrice de « Rien qu’un chromosome en + ». Patricia et Christophe sont les parents de Robin, né en 2000, et de Vanylle, née en 2005, trisomique.

« Vanylle était finalement un bébé comme les autres »
 

Patricia : « J’avais 26 ans quand je me suis trouvée enceinte pour la première fois. On m’a imposé la prise de sang du triple test. Le résultat montrant un risque de trisomie 21 sur 240 pour le bébé, on m’a conseillé l’amniocentèse. A cette époque-là, je ne connaissais rien à la trisomie et au handicap. Je pense qu’avec l’insistance des médecins j’aurais avorté si ça avait été le cas. Aujourd’hui bien sûr, avec le recul et l’expérience, c’est sûr que je le garderais. En fait, le bébé était tout à fait normal, une petite fille. Mais l’amniocentèse a déclenché la perte du bébé. Un choc terrible.

Pour ma 2ème grossesse, ils ont voulu me refaire une prise de sang, j’ai refusé et tout s’est bien passé.

J’étais à nouveau enceinte à 32 ans, je n’ai pas voulu de prise de sang, j’étais plus sûre de moi face aux médecins. La 1ère échographie n’a rien révélé de spécial. Après la 2ème, le médecin a voulu en faire une autre parce que le bébé était un peu petit. A la naissance de Vanylle, nous avons bien vu ses yeux bridés mais un de nos neveux a des yeux comme ça, alors nous avons pensé qu’elle lui ressemblait… Le surlendemain, la puéricultrice a fortement insisté pour que Christophe soit présent lors de la visite du pédiatre. Ne pouvant pas se libérer, j’étais seule lors de sa visite. Après plusieurs questions, le pédiatre a parlé d’hypothèse de trisomie mais il n’en était pas sûr, il a demandé un caryotype. Vanylle n’avait pas le pli palmaire unique ni aucun des signes liés à la trisomie.

« Quand on nous a enfin annoncé la trisomie de notre bébé, ça a été l’effondrement total, comme une fin du monde »

Quand on nous a enfin annoncé la trisomie de notre bébé, ça a été l’effondrement total, comme une fin du monde : on se disait qu’on ne pourrait plus rien faire, aller au restaurant, sortir, recevoir, partir en vacances etc. On avait peur de l’inconnu. On nous a donné l’adresse du CAMSP (centre d’action médico-social précoce) et les coordonnées de la généticienne qui consultait à cette époque au CHU. On m’a aussi parlé du livre d’Olivier Raballand qui venait de paraître. On m’a informée que je pouvais abandonner ma fille, cela m’a énormément choquée. Il en était hors de question. Entre la naissance de ma fille et le moment où le pédiatre est venu l’ausculter, il s’est écoulé 48 heures. Peut-être pour que le lien se fasse entre mon bébé et moi…

« Avec les amis, il y a eu un moment de flottement, ils ne savaient pas trop comment réagir »

Je suis sortie de la maternité avec Vanylle 4 jours après sa naissance. Très vite, nous nous sommes dit que nous allions faire face, coûte que coûte, d’abord parce qu’il y avait Robin, que nous devions être forts pour lui, et puis parce que Vanylle était finalement un bébé comme les autres. Nous aurions bien le temps de découvrir sa différence. La PMI est beaucoup intervenue dans les 1ères semaines parce que Vanylle ne grossissait pas. C’est à cette période que l’on a découvert qu’elle avait un souci d’hypothyroïdie.
Ma famille habite loin et de ce fait, son absence m’a beaucoup manqué. Avec les amis, il y a eu un moment de flottement, ils ne savaient pas trop comment réagir, l’inconnu fait peur à tout le monde. Maintenant, il n’y a plus de souci. Nous avons expliqué à Robin, qui avait 4 ans 1/2 que sa petite sœur était différente, il ne l’a pas vraiment compris. Pour lui, c’était un bébé, voilà tout. Vers 8 ans, il a commencé à poser des questions plus précises. Aujourd’hui, à 16 ans, il est très proche d’elle, il s’en occupe beaucoup. Il s’oriente vers les métiers de l’enfance…

Ce qui m’a manqué le plus à la naissance de Vanylle, c’était de ne pas pouvoir me projeter en rencontrant d’autres familles concernées. J’aurais voulu savoir comment ça allait se passer quand elle grandirait. Il n’y avait aucune association, aucun lieu pour parler de la trisomie. Je posais des questions à des gens qui connaissaient des gens qui connaissaient… etc. Le jour où j’ai vu entrer au CAMSP une autre maman avec un petit Nathanaël trisomique, j’ai vraiment été heureuse, c’était Elodie, Présidente aujourd’hui de l’association « Rien qu’un chromosome en + »)

« C’est surtout la 1ère année que nous avons manqué de contacts »

C’est surtout la 1ère année que nous avons manqué de contacts, c’est pourquoi avec Elodie, nous avons, au fil de nos rencontres, petit à petit conçu le projet de l’association, pour que de jeunes parents démunis devant le handicap puissent trouver des réponses à leurs questions et un soutien à l’accueil de leurs bébés extra-ordinaires. Vanylle est allée un peu en halte-garderie jusqu’à 4 ans. Puis elle a intégré l’école qui a accepté de l’accueillir quelques matinées par semaine sous réserve de l’accompagnement par une AVSI (auxiliaire de vie scolaire individuel). Le rythme était un peu compliqué car elle ne voulait pas dormir à l’école, il fallait la ramener à la maison puis la raccompagner ensuite à l’école… C’était une petite fille performante : dès la moyenne section, elle connaissait les lettres de son prénom, elle savait compter jusqu’à 10, elle avait une bonne discrimination visuelle. Elle avait un instituteur qui connaissait le handicap et qui lui a permis de vraiment bien progresser. Elle a toujours eu un caractère très affirmé, elle a une sorte d’instinct inné envers les autres : ça passe ou ça ne passe pas !

Quand Vanylle a eu 6 ans, je devais reprendre le travail. Juste avant sa rentrée en classe de grande section, ne sachant pas quel jour l’AVSI interviendrait, la Directrice de l’école n’a pas souhaité que Vanylle soit là le jour de la rentrée et n’a pas pu nous dire quel jour elle serait admise. L’organisation était vraiment trop galère, je suis allée voir le Directeur de l’école publique de notre quartier. Et là, surprise, j’ai reçu un très bon accueil, Vanylle pouvait intégrer l’école à plein temps !!!

« Le médecin scolaire a affirmé que « l’école la maltraitait » et qu’il fallait donc lui trouver une autre orientation. C’était comme si on me mettait un coup de poignard dans le dos… »

Mais ça s’est vite révélé catastrophique : Vanylle s’est montrée agressive, elle était rejetée par son institutrice. Vanylle devait subir une opération de la hanche et des rotules 6 mois plus tard, nous savions donc qu’elle ne serait à l’école que 2 trimestres. Mais une semaine ½ avant son départ, nous avons été convoqués à une réunion à l’école pour soi-disant « anticiper son retour ». Il y avait beaucoup de monde dans la pièce : d’emblée le Directeur a demandé l’exclusion immédiate de Vanylle. Le médecin scolaire a affirmé que « l’école la maltraitait » et qu’il fallait donc lui trouver une autre orientation. C’était comme si on me mettait un coup de poignard dans le dos… Elle est devenue très agressive, on ne pouvait plus sortir avec elle, elle pouvait mordre, pousser ou taper les autres enfants. L’inspecteur de circonscription a finalement accepté de la garder les quelques jours qui restaient avant l’opération. Elle est restée à l’hôpital pendant 4 mois ½ plâtrée des chevilles jusque sous les bras. J’allais la voir tous les jours. Elle avait énormément régressé durant son passage à l’école publique, elle n’a jamais retrouvé les acquis des 1ères années. Elle est ensuite entrée à l’école Montessori, le cours Saint Jean-Paul 2 de Saint Lumine-de-Clisson où elle est restée 3 ans. Là, la bienveillance de son institutrice l’a aidée à se poser, elle est devenue calme mais elle est toujours restée sur le blocage subi à l’école précédente.

« Nous avons alors décidé de ne plus se focaliser sur les apprentissages et de développer son autonomie »

Nous avons alors décidé de ne plus se focaliser sur les apprentissages et de développer son autonomie. Vanylle a intégré l’IME de Vallet depuis un an, en 2015. Elle adore y aller, elle n’est plus agressive du tout. Elle va bien, elle a « du caractère », mais ce n’est pas lié à la trisomie, c’est juste elle ! Je pense qu’elle a toujours su qu’elle était différente. Quand elle était si agressive, qu’elle envoyait promener tout ce qui était à sa portée, le psychiatre nous avait dit que c’était parce qu’elle ne supportait pas sa différence et qu’elle la rejetait… Elle aime ses activités :  la danse avec l’Association « Danse ta Différence », la piscine avec l’IME, elle sait nager et elle monte à poney.

(Propos recueillis par Ghislaine en décembre 2016)  – Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur ©rien qu’un chromosome en +