Témoignage de Sylvie
Sylvie est la maman de Maxime, 21 ans, trisomique.
Il est l’aîné d’une fratrie de 3 enfants. Il a un frère de 19 ans et une sœur de 15 ans ½. Christophe, le mari de Sylvie et père des trois enfants est décédé il y a 10 ans. La famille vivait en banlieue parisienne quand Sylvie a décidé, voilà 8 ans, de venir vivre à Nantes, une ville où elle ne connaissait personne mais qui l’attirait depuis longtemps. Ses parents habitent Le Mans et son frère, La Roche sur Yon.
« Je suis très fière de lui »
Sylvie : « J’avais 35 ans quand je suis tombée enceinte de mon premier enfant. Je ne sais pas pourquoi, j’étais inquiète, mon mari également, car du côté de sa mère, il y avait un adulte trisomique. Nous avons demandé au gynécologue de me prescrire une amniocentèse, il a refusé. Pour lui, une simple prise de sang suffisait (les marqueurs HT21). Ils étaient élevés mais restaient dans la moyenne. Le médecin nous a affirmés que tout allait bien, que nous n’avions aucune raison de nous inquiéter et que je pouvais continuer ma grossesse. On lui avait dit que si l’on découvrait une quelconque anomalie sur le bébé, on ne le gardait pas. Ce gynécologue était contre l’avortement, c’était un catholique pratiquant. Et avec le recul, je suis presque sûre qu’il savait que je portais un enfant handicapé. Le fait d’avorter était contre ses convictions.
A sa naissance, Maxime a dû être hospitalisé immédiatement car la température de son corps était basse. Il est resté 3 semaines à l’hôpital. Christophe a entendu la pédiatre demander par téléphone un caryotype. Il ne m’en a pas parlé mais il a eu des doutes… Pendant le séjour de Maxime à l’hôpital, les infirmières étaient formidables, elles avaient toujours Max dans les bras quand j’arrivais. Pour moi c’était un beau bébé, je ne me suis rendue compte de rien.
« une pédiatre nous a convoqués pour nous annoncer la trisomie de Maxime, un choc total pour moi »
Quand il est sorti de Saint Vincent de Paul, à 3 semaines, une pédiatre nous a convoqués pour nous annoncer la trisomie de Maxime, un choc total pour moi, je ne connaissais rien à la trisomie et surtout, nous avions fait en sorte de ne pas avoir un enfant handicapé puisque nous avions demandé l’amniocentèse. Toutes les mamans ne demandent pas cet examen. Mais moi je le demande, on me le refuse et on m’annonce la trisomie de Maxime. Mais c’était mon fils, je le voulais. Christophe avait un neveu trisomique donc la Trisomie 21, le handicap, lui faisait peur. Nous n’étions pas en accord. On nous a proposé deux options : l’abandon ou le placement en pouponnière en attendant que l’on prenne une décision à 2. A aucun moment on nous a proposé un accompagnement pour le garder… Nous avons choisi la pouponnière pour nous donner le temps de la réflexion. Les grands-parents paternels nous ont dit qu’il fallait l’abandonner et en faire un deuxième rapidement. Une phrase parmi tant d’autres : « les trisomiques sont des débiles mentaux profonds ». Ils ne l’ont jamais aimé. Les seuls moments difficiles avec Maxime bébé étaient ceux qui précédaient mes départs quand j’allais à la pouponnière : il se mettait à hurler ¼ d’heure avant…
« la place de Maxime est chez vous »
Finalement, c’est une belle-sœur qui m’a dit « la place de Maxime est chez vous », ça a été le déclencheur, nous ne pouvions pas vivre sans lui, nous l’avons récupéré. Il a d’abord été suivi par le CAMPS. A 2 ans il a commencé l’orthophonie et la psychomotricité. Il a acquis la propreté à 3 ans, la marche un peu avant. Devant reprendre mon travail, j’avais trouvé une nounou martiniquaise juste à côté de chez nous, elle était formidable, elle lui a donné tellement d’amour. Nous sommes toujours en contact. Il est allé à l’école maternelle pendant 4 ans, en CLIS pendant 5 ans, puis en IME. En arrivant à Nantes il est entré en IME jusqu’à ses 20 ans. Depuis un an, il est stagiaire en ESAT.
« Je me suis toujours battue pour lui »
Je me suis toujours battue pour lui : à 10 ans, il ne parlait toujours pas, Christophe venait de mourir. Je suis partie avec Maxime en Belgique, rencontrer un Américain, Dirk Goetschalckx, le directeur de VOLUNTAS du Centre SEMOCO (réhabilitation sensorielle, motrice et cognitive pour familles et personnes handicapées), qui propose une thérapie de rééducation individuelle à domicile. Les français n’adhèrent pas trop à cette thérapie, qui est pourtant reconnue partout ailleurs. C’est tout simplement de la stimulation du système nerveux central, au quotidien, et non 1 ou 2 fois par semaine, en France, chez l’orthophoniste ou encore chez la psychomotricienne. Quand je revois des films de Maxime lorsqu’il était petit, et ce qu’il est aujourd’hui, je peux dire en effet que j’ai réussi avec cette méthode. J’y allais 2 ou 3 fois par an, sur une journée à chaque fois, ils nous définissaient un programme de réhabilitation que nous devions ensuite appliquer à la maison, tous les jours. C’était un investissement massif, j’étais seule avec mes trois enfants, je devais consacrer chaque jour 2 heures en massages et exercices, mais je savais qu’il le fallait pour Maxime. Il a commencé très vite à parler. On a arrêté il y a un an. Et les résultats sont là !
« Aujourd’hui, je suis très fière de lui »
A la maison, en dehors des suivis particuliers, nous avons toujours traité Maxime comme les autres, tant sur la discipline que sur la socialisation. Aujourd’hui, je suis très fière de lui, il se comporte très bien, il n’a jamais posé aucun problème, il est facile, affectueux, il sait ce qu’il veut, il est autonome. Il se dirige bien sur le réseau de la TAN. Il y a encore des progrès à faire en lecture et en écriture. Maxime participe à l’association « Danse ta différence ». Il bénéficie de deux après-midis par mois, d’un accompagnement dans le cadre de Handisup, ce qui l’a vraiment bien aidé dans son autonomie. Il fait aussi un peu de gym. Il adore aider en cuisine, il aime également servir en salle. Il a eu une chance incroyable, il va travailler au restaurant LE REFLET qui doit ouvrir prochainement.
(Propos recueillis par Ghislaine en décembre 2016) – Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur ©rien qu’un chromosome en +
Note de Ghislaine : lors de ma rencontre avec Sylvie, Maxime m’a accueillie d’un sourire craquant avec une poignée de main ferme. D’emblée, il m’a raconté son stage au REFLET, très fier de lui-même.
Puis, même s’il était supposé être occupé à autre chose dans la pièce voisine, il a montré combien il restait très attentif à l’échange avec sa maman : il effectuait régulièrement des allers/retours auprès de nous pour ajouter « son grain de sel », dans le bon sens du terme (pour un cuisinier, quoi de plus normal !) : il lui fallait confirmer/compléter/développer ce que Sylvie racontait. Il a affiché toute une gamme d’émotions : colère (quand il a été question des grands-parents paternels), joie (ses activités), fierté (son autonomie, son projet avec le REFLET), affection (ses frère et sœur, sa maman), sa détermination (s’il est agressé dans le bus…) et bien d’autres encore.
Maxime est un jeune homme vraiment charmant, intelligent, plein d’humour. Il donne beaucoup de plaisir autour de lui…